Présomption de démission et abandon de poste
A l’occasion de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022, le législateur a créé une nouvelle forme de rupture du contrat de travail, la présomption de démission en cas d’abandon de poste, codifiée à l’article L. 1237-1-1 du code du travail.
Cet article prévoit que le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence dans le délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné.
Cette disposition est entrée en vigueur le 19 avril 2023, après parution du décret n°2023-275 du 17 avril 2023, qui introduit un article R. 1237-13 du code du travail lequel apporte plusieurs précisions, notamment sur :
- la forme de la mise en demeure, qui doit nécessairement être faite par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge,
- le délai imparti au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste, qui ne peut être inférieur à 15 jours,
- des exemples de motifs légitimes susceptibles d’être invoqués par le salarié pour faire obstacle à la présomption de démission (des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, le refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou encore la modification de son contrat de travail à l’initiative de l’employeur etc).
Toutefois, force est de constater que le texte n’imposant aucune durée minimale d’absence avant de déclencher cette procédure, l’employeur peut adresser au salarié la lettre de mise en demeure à tout moment dès lors que l’absence de ce dernier est constatée.
Si à l’issue du délai fixé par l’employeur, le salarié ne justifie pas son absence ni ne reprend son poste de travail, il est considéré comme démissionnaire. A l’inverse, si le salarié reprend son travail dans le délai imparti même sans justifier son absence, le contrat de travail se poursuivra - ce qui n’empêchera pas de sanctionner le salarié pour absence injustifiée.
En toute hypothèse, la présomption de démission peut être contestée devant le Conseil de prud’hommes si le salarié estime que celle-ci est infondée.
Le lendemain de la publication du décret précité, le Ministère du travail a publié un Question/Réponse visant à apporter plusieurs éclaircissements complémentaires sur la mise en œuvre de cette présomption de démission et son articulation avec les autres modes de rupture du contrat de travail, notamment la procédure de licenciement disciplinaire, en indiquant qu’un employeur ne pouvait plus, depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif, licencier pour faute un salarié qui avait abandonné son poste.
Néanmoins, un recours pour excès de pouvoir a été engagé devant le Conseil d’Etat précisément sur cette prise de position considérée par l’auteur du recours comme non conforme aux dispositions légales qui ne seraient pas exclusives du licenciement.
La publication du Question/Réponse a donc été suspendue dans l’attente de la réponse du Conseil d’Etat.
Publié le 25 août 2023
Présomption d’innocence et détention provisoire
Les récentes décisions de placement en détention provisoire de fonctionnaires de police ont suscité un vif mécontentement du directeur général de la police, du préfet de police et du ministère de l’intérieur qui a même indiqué que les membres des forces de l’ordre « ne peuvent pas être les seules personnes en France pour qui la présomption d’innocence ne compte pas ».
Ces déclarations ont, à leur tour, entraîné de nombreuses réactions chez certains avocats et magistrats, ces derniers ayant considéré que ces propos constituaient une atteinte à l’indépendance de la justice.
Quoiqu’il en soit, ce débat nous donne l’occasion de nous pencher sur un principe élémentaire de la procédure pénale, la présomption d’innocence et sur son articulation avec la détention provisoire.
La présomption d’innocence est garantie par le droit français depuis la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui prévoyait expressément en son article 9 que tout homme était présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable.
Cette définition a, par la suite, été reprise par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 (article 11), par la Convention européenne des droits de l’Homme (article 6 paragraphe 2) puis par l’article préliminaire du Code de procédure pénale.
Néanmoins, la présomption d’innocence doit souvent s’adapter aux contraintes inhérentes au bon déroulement de l’enquête ou de l’instruction.
Par exemple, la personne mise en examen dans le cadre d’une instruction peut, “à titre exceptionnel” (selon les termes de l’article 137 du code de procédure pénal), être placée en détention provisoire, c’est-à-dire incarcérée de manière préventive alors même qu’elle demeure présumée innocente.
Pour justifier sa décision de placement en détention provisoire, le juges des libertés et de la détention doit toutefois démontrer que celle-ci est l’unique de moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs énumérés à l’article 144 du code de procédure pénale comme par exemple, conserver les preuves ou les indices matériels nécessaires à la manifestation de la vérité, empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, empêcher une concertation frauduleuse ou encore garantir le maintien de la personne à disposition de la justice.
C’est donc sur cette base légale que les juges des libertés et de la détention des tribunaux judiciaires de Nanterre et Marseille ont décidé de placer les deux fonctionnaires de police en détention provisoire afin d’éviter, notamment, toute concertation entre eux et leurs co-mis en examen et de permettre la poursuite des investigations à l’abri de tout risque de pressions sur les témoins et d’interférences avec le travail des enquêteurs.
Ces décisions ont été confirmées en appel.
Selon les statistiques trimestrielles de milieu fermé du Ministère de la justice (reprises dans un article publié par Le Monde le 2 août dernier), au 30 juin 2023, près de 20 000 personnes détenues sont présumées innocentes.
Publié le 29 août 2023